lundi 21 avril 2014

"Mais nous avons vieilli le gouffre s'est peuplé Nous avons reproduit un avenir d'adultes"


Marina dit/









Il s'est levé, lavé, habillé
Tout ça sans trop y penser
Juste laisser surnager l'idée
Assez pour savoir qu'il fait tout pareil - dehors, tout pareil
Mais qu'en fait il ne va pas là où on croit qu'il va
Aujourd'hui, il prend l'autre chemin

Il a mis ses clés dans sa poche
Mais il a laissé la porte entrouverte en sortant
Sa vieille sacoche à la main

Il a pris le métro
Mais pas la même couleur
Au changement de couleur, il a suivi la même foule
Fluide, docile, à droite du couloir
La même
Mais pas la même
Aussi pressée, stressée, disciplinée
Mais celle d'un autre couloir

Voilà la gare
Voilà le train
Voilà un compartiment pour huit
Où il est seul

Par la fenêtre
Immeubles gris puis coins de rue
Immeubles gris, coins de rue
Compter les immeubles
Compter les coins de rue
Ça sent déjà la mer
Ça balance, ça ronronne, ça sursaute
Dans son cœur
Ça sent déjà la mer
Et derrière ses paupières
Ça secoue, ça roule, ça brimbale
Ça sent déjà
Ça sent déjà la mer
Ça va, ça vient, ça tangue
Ça  sent déjà la mer
Déjà
La mer
Ça ballotte, ça vacille, ça glisse
Ça sent déjà
Ça  sent déjà la mer
Qui clapote qui murmure qui chuchote
Qui berce qui console qui bruisse

Déjà
La mer

Bientôt
Il n'y a plus que l'eau
Lui
Flottant sur le dos, et le bruit
De l'eau
Toujours en mouvement




Sois adulte avait dit sa mère. Sois adulte, merde.

Ah oui, c’est vrai, on est adulte à 17 ans. Est-ce déjà de mon âge d’être adulte, Maman ?

Pas assez adulte pour boire, pour fumer, pour conduire, pas assez adulte pour faire l’amour, partir de chez elle, gagner sa vie.
Assez adulte pour décider maintenant quoi faire de ces longues heures qui la conduiraient de son premier emploi jusqu’à sa retraite. Assez adulte pour déjà renoncer à tous les autres choix, assez adulte pour céder aux vindictes de la conseillère d’orientation qui lui vantait les mérites du BEP sanitaire et social contre celui de secrétariat. Il y a quand même plus de débouchés. Et vous travaillerez dans l’humain. Passionnant, l‘humain.
Elle l’a soupçonnait surtout de vouloir la caser. Raccrocher la décrocheuse, mission accomplie.
Travailler ? Ça s’accélérait dans sa tête. Une accélération stérile qui faisait juste du bruit, qui n’avançait pas du tout.
Même en travaillant à temps plein, avec le genre de salaires promis, elle n’aurait pas de  quoi assurer la caution d’un appartement. Il faut que vous gagniez quatre fois le montant du loyer, disaient-ils tous dans les agences. Elle pouvait attendre longtemps. Ou aller travailler dans la Sarthe.
Et elle n’aurait plus le temps pour son cours de salsa du jeudi soir, pour passer les heures qu’elles voudraient au téléphone, pour regarder des séries à la pochetée jusqu’à en être saoule.
T’auras surtout plus le temps pour tes conneries, traîner dehors et aller piller les maisons des beaux quartiers.
Juste visiter Maman, j’ai rien volé.
Mais, Elise, tu as entendu ce qu’ils ont dit chez le juge ? La prochaine fois c’est le centre d’éducation fermé. Tu ne vas pas y couper cette fois.
Sa mère réactivait des menaces qui lui pendaient au nez. Parfois, elle imaginait un carton suspendu au bout de son nez, avec écrit dessus délinquante, en grosses lettres. Et ça la faisait rire.

Après deux mois d’école, qu’elle avait à peu près tenu, elle avait l’impression de déjà tout connaître à force de s’entendre répéter deux fois, trois fois, mille fois les mêmes choses. Alors, elle s’endormait souvent et finissait un peu larguée, un tout petit peu. Juste ce qu’il fallait pour laisser à distance le moindre risque d’excellence.
Elle se sentait étrangère, étrangère dans l’école, étrangère au milieu de toutes ses filles, étrangère dans les stages pratiques. A l’approche de celui qu’elle ferait en maison de retraite, ses camarades l’avaient raillée. Ah, tu vas faire ton baptême. Avec ta gueule, elles ne vont pas te rater les bonnes femmes là-bas.
Son mètre soixante quinze, ses cinquante kilos, sa crête violette, ses piercings, sa nuque rasée, c’est vrai qu’elle détonnait à peu près partout. Et avec leur hargne, elles avaient réussi à lui faire peur. Elles faisaient les fières, mimaient le dégoût des couches sales, les peaux fripées, les dentiers, les grognements, l’absurdité des propos articulés péniblement à deux à l’heure. Elles riaient grassement. Elise tremblait.
Son premier jour avait été à la hauteur de ces sorts jetés. La sécheresse de l’aide soignante qu’elle avait dû accompagner dans toutes ses tâches, aussi aride que les silhouettes qui se déplaçaient à peine. Et qui n’adressait pas la parole aux petits vieux, qui tenait le rendement à la force de ses bras musclés, la rapidité des soins et des nettoyages, faits à demi mais faits tout de même, avec une agilité chirurgicale, pas le temps de parler, juste le temps de soupirer entre deux, comme une longue plainte étouffée et de fumer quelques cigarettes.
Tout y était, la saleté cachée derrière l’odeur de javel, les remontées de désinfectant qui disaient des plaies qui n’en finissaient pas, les visages fatigués, les regards délavés et absents. Une souffrance indicible qui rentraient dans tous les pores de sa peau. Le dégoût agrippé à la base de sa gorge ne l’avait pas quitté de toute la nuit.

Deuxième jour, elle avait failli ne pas y aller. Comment approcher à nouveau ce qui la révulsait de toutes parts ? Sois adulte, merde, avait dit sa mère. Allez juste un deuxième jour, s’était elle dit à elle-même.
On l’avait collée avec la grosse dame rousse. Toute serrée dans sa blouse, les seins débordants, une tignasse rapidement ramenée en une tresse sans charme. Une frange trop longue qui cachait ses yeux. Bon, ce matin, tu suis Françoise, et demain tu prends ton service toute seule, on manque de personnel, observe la bien.
Dès la première chambre ça avait été différent. Françoise rentrait dans chaque chambre en chantant presque le nom de la personne, un peu comme une boulangère qui vous proposerait de déguster un peu de son pain chaud depuis votre lit de malade. En même temps, elle n’était pas chez elle, et usait de la pudeur d’une invitée.
A l’approche de chacune de ces toutes vieilles personnes, elle se mettait en mouvement d’une manière différente, comme en contagion de leur être singulier. Elle attrapait un détail, complimentait les photos de famille, se souvenait du prénom du petit-fils, caressait les cheveux, nouait un chouchou rose, malaxait une tension dorsale, approchait le fauteuil de la lumière, s’exclamait de la vue sur le magnolia du jardin, promettait une promenade que sans doute elle ferait, chantait dans le silence de celle qui ne parlerait plus jamais, essuyait les larmes du jeune veuf de 103 ans, remerciait, reconnaissait, discutait, rougissait de bon cœur, touchait, même un temps bref, et avec une délicatesse infinie.
Et elle courrait d’une chambre à l’autre, laissant gigoter son corps qui ne paraissait plus lourd mais juste généreux, et cette natte qui dansait dans son dos, avec la fluidité d’une danse souvent répétée. Pour pouvoir dans chaque chambre avoir deux minutes de plus, deux minutes de vie, deux minutes qui donnaient à Elise pour une fois, la première depuis longtemps, un peu de l’envie d’être adulte.


Le titre du billet est notre citation inspiratrice, extraite de Poésie ininterrompue de Paul Eluard.

lundi 14 avril 2014

"Le processus de sélection garantit que seuls ceux qui sont capables d'assumer ces responsabilités sont choisis."


Anne dit/





Des mois que ce voyage est prévu, des mois que Manon repousse cette pensée, et traîne des pieds de plomb à l’idée de s’éloigner du sol.

Mettre de côté, oublier, anéantir la boule qui grandit entre les côtes à l’endroit du plexus solaire. Ne pas sentir ce regret d’avoir dit oui, ce regret d’avoir désiré, lui plaire, se plaire, faire ce qu’il faut. Regret de n’être pas capable de refuser, regret surtout de se sentir mourir dans cet énorme engin qui tentera demain de se décoller du sol. Rationnellement impossible.

Voyager à vingt ans. Mais oui, bien-sûr il faut voyager, les voyages forment la … détresse.

Tout à coup son petit monde parait bien lui suffire. Les vingt-deux mètres carrés de son appartement mal dégrossi, avec ses cartons dans un coin, sans les tentures et les affiches qu’elle avait imaginées, sa vaisselle ébréchée empilée dans l’évier. Son appartement en transit, ses abat-jours cassés, ses meubles de travers. Son quartier, un peu morne, anciennement à la mode, déjà suranné. Dans les cafés du coin, les décos parme ou bleu ciel des années deux mille. Sa ville et tous les lieux où elle pourrait aller en train.  Tout cela lui paraît parfait, idéal, le comble de toutes ses satisfactions.



Quelle idée d’aller visiter Saint-Pétersbourg ? Je ne parle pas un mot de russe et je n’ai jamais lu Dostoïevski. Lui en est passionné, il a appris cette langue au collège et est tombé en amour : l’âme slave, les « r roulé », la vodka qui brûle la gorge, les thés agrumes et bergamote dans les samovars électriques.

Je m’en fous de l’âme slave moi, je veux juste rester vivante !

Mais quand elle avait ouvert l’enveloppe vert mordoré dans le petit restaurant chinois où ils avaient fêté leur un an d’amour, quand elle avait vu ses yeux briller, tout en attente de découvrir l’effet de sa surprise, elle n’avait pu que feindre la joie.
Oh merci mon chéri, il ne fallait pas.
Bien-sur qu’il fallait, et ça va être merveilleux, trois jours en amoureux, à l’autre bout du monde.
Trois jours en amoureux, ça sonnait comme  les dix ans d’un mariage. Ça sonnait comme la fin de ses vingt ans, ça sonnait comme les pantoufles au pied du lit et les chaussettes pour ne pas avoir froid pendant l’amour.
Et puis, elle lui en avait voulu de ne pas deviner, ou de ne pas l’emmener franchement au bout du monde, en Inde ou un autre truc vraiment osé, un truc qui décoiffe.
Partir un mois ? Un an ? Pour toujours ? Quitte à prendre un fichu avion autant qu’il nous emmène mourir le plus loin possible.

Maintenant, c’était demain. Demain non, dans deux heures. Puisqu’il fallait y être trois heures en avance. Et qu’elle ne s’endormait définitivement pas.
Lui avait frétillé toute la soirée à l’idée de cette escapade. Frétillements puis sommeil de sonneur. On se lève très tôt ma chérie. Réception zéro. Elle s’était sentie abandonnée sur un bout de banquise dans les eaux  troubles de sa terreur. Au secours. Sauvez moi, dieux des cieux. Chassez moi de votre royaume.
Elle aurait voulu naitre au moyen-âge et que l’idée même de planer dans le ciel vous condamne pour sorcellerie.

Elle se remémore les voyages réguliers pour Marseille, son insouciance, le plaisir de voir de haut. Son petit carton  en plastique d’enfant qui voyage seule, l’attention délicieuse des hôtesses de l’air, métissage parfait entre Barbie et Mary Poppins, qui la chouchoutaient, jouets et confiseries. Les plateaux repas, la surprise de ce qui se cachait sous les couvercles jetables en aluminium. Peut importait le goût que cela avait finalement : juste le bonheur de l’inédit. Sa curiosité de petite fille, sa joie pure et sans entraves de décoller, de s’envoler, de survoler le monde, les voitures toutes petites qui avançaient si lentement, sa fascination pour cette lenteur.
Elle se remémore le voyage avec son grand frère où l’avion entier avait cru y passer à cause du chaos de la traversée. Son grand frère stoïque à qui elle aurait voulu donner la main, s’agripper, se cramponner. Merde Manon t’as dix huit ans, c’est rien, c’est des turbulences, c’est normal. La panique qui se communiquait d’un rang à l’autre, plus contagieuse que la varicelle, qui lui avait saisi tout le corps et l’avait empoisonnée.
Comment elle avait cru mourir, comment elle avait senti l’arrachement que ça serait de quitter le monde et la terreur de cette chose folle, ne plus sentir la vie.

Le plus discrètement possible, elle fait le tour du grand lit, attrape sur la table de nuit bancale le téléphone de Joachim, en désactive l’alarme en quelques gestes adroits et silencieux. Elle fait le tour en sens inverse, tremblante. Elle se glisse à nouveau à coté de lui, retrouve la chaleur des draps et de sa marque dans le matelas. Elle colle ses pieds glacés contre la peau rassurante, le grain familier, chaud et lisse. Les frissons de la peur, se mélangent au soulagement immense qui part du centre d’elle pour se diffuser dans tout son corps.
Promis elle ne lui en voudra pas. Chéri, c’est pas grave, écoute ! Ça peut arriver, c’est rien, t’as du mal l’enclencher ce réveil. Ce qui compte c’est qu’on soit ensemble, non ?



Marina dit/







Le titre du billet est notre citation inspiratrice, extraite de La méthode simple pour prendre l'avion sans avoir peur de Allen Carr.

Dorénavant, vous trouverez, dans la colonne de gauche,  sous le chapeau "La semaine prochaine, nos créations autour de cette phrase",  la phrase piochée !

lundi 7 avril 2014

"Elle songeait à elle dès l'aube, lorsque la glace de son coeur la réveillait dans son lit solitaire, et elle pensait encore à elle quand elle savonnait ses seins tout flasques et son ventre flétri, quand elle enfilait les jupons blancs et jupes à volants de la vieillesse, et lorsqu'elle changeait la bande noire de sa main, rappel de sa terrible expiation."



Anne dit/


 

Marina dit/

Elle entre dans le musée, d'un pas vif et discret. Du pas de qui descend juste de son vélo, les joues rosies par l'effort et par le vent frais, dans les descentes. Du pas de qui est un peu en retard. Elle traverse les premières salles, hautes et claires. Murs blancs et lumière zénithale. Les autres élèves sont déjà éparpillés, installés devant les œuvres, seuls ou en petites grappes, assis par terre ou sur des pliants. En passant, elle salue d'un sourire rapide ceux dont elle croise le regard. Elle ne voit pas Myriam, la professeure de dessin, probablement déjà occupée à prodiguer ses précieux conseils dans une autre salle, à l'étage ou au sous-sol.

Elle s'installe à son tour, devant cette bacchante, dont elle cherche à reproduire la danse depuis plusieurs semaines déjà. Un bronze d'Antoine Bourdelle. Une vieille femme massive et difforme, saisie par l'artiste dans une torsion improbable, un incroyable mouvement, ivre, en transe, semblant chercher l’oubli. Oublier on ne sait quoi, mais oublier absolument, oublier jusqu'à la grimace, oublier jusqu’à se détruire, parce qu'en réalité, il est impossible d'oublier à ce point, au point où elle le voudrait. Alors, elle boit plus encore, elle danse plus encore, et elle chante, et sa bouche est grande ouverte et déformée par ce chant – ou ce hurlement, peut-être. Aujourd'hui, Jeanne s'assied un peu à distance de la statue, à même le sol, en tailleur. De là où elle est, elle s'épargne le dessin du visage grimaçant et hurlant, yeux vides et sourcils froncés, qui l'effraie à chaque fois qu'elle ose le regarder vraiment.

Elle sort ses crayons, pose son bloc sur ses genoux, commence à dessiner. C’est toujours difficile au début, l’écart entre ce qu’elle voit et ce qu’elle dessine. Ce mouvement qui semble insaisissable. Elle dessine. Et elle pense à sa grand-mère. Sa grand-mère qu’elle a toujours connue droite et contenue, au contraire de la bacchante, mais tout aussi prisonnière. Prisonnière des convenances et d’un deuil interminable. Oubli impossible, oubli interdit. Payer chaque jour le prix d'être celle qui reste.

Elle crayonne toujours, mais ses pensées l’occupent trop et ça ne donne pas grand-chose. Elle doit sans cesse refouler une immense vague de découragement. Elle la sent dans sa poitrine, qui affleure, prête à lui faire baisser les bras, poser le crayon, s’enfuir. Myriam s’approche et se penche par-dessus son épaule pour observer le croquis en cours. Pendant quelques secondes, son regard va de la statue au dessin, du dessin à la statue. Ces quelques secondes sont une éternité pour Jeanne. Suffisantes pour imaginer mille remarques cinglantes, mille jugements destructeurs. Mais rien de tout cela ne vient. Elle dit juste : « Tu devrais t'intéresser aux vides, à ce qu'il y a autour. Prendre l'image en négatif. » Et encore : « Le plein naît du vide. C’est là qu'est le mouvement. »

Jeanne regarde à nouveau la statue, ou plutôt, maintenant, les formes abstraites que le bronze vert profond dessine sur le mur blanc. « Le plein naît du vide, pense-t-elle. Bien sûr. Comme le oui naît du pouvoir dire non ou comme la souplesse du cadre… Et  aussi, la possibilité de changer de cap du fait d'avoir un cap. » Elle baisse et lève alternativement la tête, très vite, sans y penser. « Parfois… changer de point de vue… regarder ce qui se passe ailleurs… »

Son crayon glisse sur la feuille, plus libre et plus précis à la fois. Encore un petit temps, et les pensées s'envolent. Une courte mélodie, sans cesse répétée, vient les remplacer. Elle sait qu’elle la connaît, sans réussir à la reconnaître. Ça n’a pas d’importance. Elle laisse filer. Bientôt, de toute façon, elle n'entend plus que le crissement de la mine sur la feuille. Très fort. Comme le frottement entre elles des feuilles d’un arbre, dans les bourrasques. Comme une foule entière qui chuchote autour d’elle.

Le temps passe et elle ne sait pas dire combien. Elle se rend compte tout à coup que le musée est vide, le cours est fini, les autres sont partis. C'est comme si elle se réveillait... Elle observe longuement son dernier dessin. C'est mieux, pas encore ça, mais c'est mieux. Elle s'est approchée du mouvement, la danse de la bacchante ne lui paraît plus si loin. Elle décroise les jambes, se met debout, malgré les picotements. Elle s'est levée trop vite, la tête lui tourne un peu. La petite mélodie ressurgit tout à coup. Ses mots se précisent. Elle reste là encore quelques secondes, plantée devant cette femme de bronze, qui l'attire et la dégoûte à la fois. Puis, elle se tourne doucement et se dirige vers la sortie. Arrivée à la porte, elle fait brusquement demi-tour, revient sur ses pas, en courant presque, se hisse sur la pointe des pieds, enlace la statue et glisse à l'oreille de bronze cette phrase, maintenant distincte, cette phrase, qui frappe souvent à sa porte, cette phrase d'un slow mythique – huit minutes, celui où on espérait fiévreusement dans la pénombre être choisie par le garçon qu’on préférait alors. Cette phrase: « There's still time to change the road you're on. » Puis elle file vers la sortie, en ajoutant pour elle-même, dans un murmure : « Même pour un jour. Même pour la dernière seconde. »

 




















Le titre du billet est notre citation inspiratrice, extraite de Cent ans de solitude  de Gabriel García Márquez.